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Retour d'Erosphère | Libertins pas toujours si libres | Montage © David Noir

Retour d’Erosphère

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Retour d'Erosphère | Libertins pas toujours si libres | Montage © David Noir

libertin: (du latin libertinus, « esclave qui vient d’être libéré », « affranchi »

wikipedia.org

Libertins pas toujours si libres

Bien qu’ayant vécu un triolisme amoureux fondateur et quelques autres passions menées activement de front, je ne suis pas un libertin. Pourquoi ? Parce que, très vite, les relations aux autres m’envahissent mentalement et mon travail en est perturbé.

C’est paradoxal puisque justement l’esprit et la pratique libertine doivent, j’imagine, pouvoir répondre à ce besoin de solitude émaillée de rencontres. Mais ce n’est pas si simple dans les faits puisque je ne suis pas capable de ne pas m’intéresser aux personnes avec lesquelles j’ai des relations sexuelles. Quel type d’intérêt ? Affectif, certainement ; érotique, fréquemment ; intellectuel, toujours ; poétique absolument et là est mon affaire, puisque c’est la qualité poétique des rapports qui empoisonne ou enrichie mon imaginaire. Ce n’est donc pas une mince affaire que d’élargir incessamment le champs de ses relations tout en préservant, non pas son indépendance, car seul l’argent me parait en donner réellement et je ne sais pas être riche, mais tout au moins un espace récurent et suffisamment vaste pour penser seul.

Non que je rejette l’échange (je parle ici de façon large, au-delà des sexualités) , mais il doit dans mon cas, toujours être suivi d’une période assez longue pour digérer le rapport en question, de quelque nature qu’il soit. Je fonctionne de même, tant avec les groupes qu’avec les individus. Je me trouve donc perpétuellement en surnutrition. Un être reptilien de ma nature se doit donc de surveiller sa surcharge pondérale affective et psychique au moyen de régimes adéquats. Pas d’ascèse préconisée dans mon cas, mais une alternance et une diversité nutritive vitale. Je digère comme un boa mais consomme comme un ours, de manière omnivore, c’est-à-dire que je peux ingérer à peu près tout et n’importe quoi. Néanmoins, tous les aliments ne sustentent pas de la même manière et possèdent une valeur calorique et nutritive bien différente selon les cas.

La fidélité ne s’exprime donc pas pour moi au quotidien, mais sur un long terme intercalé de pauses de durées variables. Elle se démultiplie à travers autant de liens que je nourris d’intérêts. Cela s’appelle un petit monde à soi ou un environnement social selon que l’on y privilégie une élaboration créatrice ou une consommation de l’échange en terme de finalité.

J’ai eu l’occasion, via le festival Erosphère dans lequel j’étais invité comme intervenant, de côtoyer brièvement quelques libertin.es revendiquées comme tel.les ou simplement intéressé.es par le sujet.

Il y eut deux stages auxquels j’avais donné, puisqu’il fallait bien les nommer, un titre commun sous l’intitulé « Outrance du désir ». Ce qui m’intéressait en la circonstance, était de proposer comme postulat qu’il s’était produit depuis quelques années (sans doute concomitantes au développement d’Internet), un déplacement du libertinage vers la sphère « grand public ». Je ne crois pas d’ailleurs qu’il s’agisse en soi d’une propagation des pratiques libertines qui existent certainement depuis que les lois religieuses ont bâti les fondements essentiels de nos sociétés (morale, éducation, sacralisation de la famille). Je pense d’avantage que la médiatisation du sexe, la démocratisation des objets (toys), images, témoignages et discours sur les pratiques des hommes et des femmes, a propulsé cet aspect du désir humain comme un état de fait sur le devant de la scène. Bien sûr, pour que cela marche, il fallait qu’il existe une population et un public sensible, sensibilisé, voire expert en pratiques libertines ou plus simplement, en « amour libre » comme on le disait plus volontiers dans les décennies 60/70 et en fait, depuis les mouvements anarchistes de la fin du 19ème siècle.

Ce postulat simple et aisément constatable dans les médias et le commerce polluant les murs et dévorant les vitrines de la vie citadine, supposait naturellement qu’il y eu un avant cette exhibition florissante et un après. Mon propos se situait dans l’avant tout en s’adressant à un public de l’après et était borné en amont par l’immense barrière de corail que semble constituer l’œuvre de Sade que je me suis mis en quête de découvrir actuellement progressivement dans son entier.

Le dispositif était simple comme j’aime à le pratiquer dans certains ateliers sur d’autres thématiques : un vaste espace scénique offert en l’occurrence par la grande salle de Micadanses qui recevait le festival, quelques musiques dont le choix me revenait, un panel de quelques textes du dit Marquis, un certains nombres d’images sur papier et sans rapport apparent si ce n’est par la mise en jeu du corps présent dans toutes les représentations humaines, un éclairage légèrement mobile, coloré mais tamisé et 4 micros sur pieds à disposition, destinés à recueillir la parole de participants volontaires selon le flux de leur inspiration. Mise à part une brève introduction, les consignes et indications se devaient d’être réduites au minimum et le mot d’ordre serait : improviser collectivement en immersion totale durant les 3h qui nous étaient octroyés, sans autres limites aux actes que la violence non consentie, l’authenticité des désirs et le périmètre élargi au plus vaste, des imaginaires en présence. Les matériaux à disposition outre les sons, l’espace, les textes et la lumière étaient les corps, sous leur jour le plus charnel, le toucher, le rapport, le commentaire et l’adresse par la parole et le regard. Autrement dit, soi face aux autres dans le contexte d’un tiers, moi en cette occasion. Sans doute la mise en scène la plus simple, si ce n’est la plus originelle que puisse offrir le théâtre. Car c’est bien dans le cadre de la scène que je me situais, étant ici convié pour mes compétences en la matière, associées à mon intérêt pour le corps sexuel et ses représentations pornographiques, mais surtout pour la parole et la qualité du temps qui en découle. Quel cerveau pour quelle sexualité ? Quelle humanité pour quelles relations ?

Le premier atelier fut à mon sens et à celui d’un certain nombre de participant.es qui en témoignèrent, une grande réussite. J’en fus le premier surpris, ne m’attendant pas à voir ma proposition, d’entrée de jeu, si bien comprise et vécue par un nombre important de joueur.euses.

La nudité des corps s’imposa rapidement, sans heurt ni résistance, même si volontairement rien dans mon propos ne l’avait exprimé comme un prérequis indispensable, ce qu’elle me semblait être néanmoins de toute évidence. Mais j’avais opté pour la mise en place d’une expérience la plus libre possible, basée sur la confiance dans les groupes ainsi spontanément constitués et ne souhaitais border ce grand bain physique et mental que du plus infime cordon de sécurité afin que l’inattendu puisse naturellement y advenir.

Il m’est difficile de décrire l’émotion et la joie que je ressentais 3 heures durant à voir évoluer, s’enlacer et danser, à scruter et écouter ce groupe humain sachant instantanément en ces instants, allier désirs puissants, volonté créatrice et intelligence.

Les groupes se formaient puis se diluaient pour se recomposer différemment sous l’influence érotique des corps échauffés. Les tableaux se succédaient avec une harmonie puissante sans que je n’ai que très peu nécessité d’intervenir, car pour l’heure, il ne s’agissait surtout pas pour moi de foncer dans l’écueil dirigiste de la mise en scène que d’ailleurs certainement peu d’entre eux /elles auraient suivi, n’étant pas implicitement des acteur.trices. Les actes sexuels concrets qui parfois s’épanouissaient un temps donné, exprimaient tour à tour une merveilleuse puissance ou une enivrante douceur. Que dire de plus si ce n’est que j’ai pu assister maintes fois à la profondeur de l’Être fusionnant avec l’appétit de la chair et que ce fut à mes yeux, d’une sublime beauté dans cet environnement que l’éclairage, librement et tout aussi intelligemment mené par les régisseur.euses présents ce jour-ci comme le suivant, englobait d’une matière suave et maîtrisée.

Les interventions vocales firent tout autant leur chemin dans la masse sonore que je proposais, pareilles à des serpents sinuant dans les marais. Une improvisation en particulier fut tenue longuement par un homme à la voix posée, fixant du regard les scènes, égrenant une pensée sourde, presque sombre, avec une acuité et une profondeur tellement englobante qu’elle sembla organiser naturellement les tableaux en un système d’horlogerie dont personne n’aurait pu mettre à jour la mécanique vivante sans déchirer violemment l’équilibre de l’ensemble.

S’ouvrait ainsi devant moi et j’espère pour quelques autres, le portail d’accès à un érotisme fulgurant et splendide à l’endroit même où j’aspirais qu’il s’implante ; c’est-à-dire aux antipodes de la consommation « fun » et de la jubilation superficielle, avatar d’un plaisir clef en main trop en vogue pour ne pas bailler d’ennui devant la bêtise consumériste qu’il véhicule.

Il en fut naturellement tout autrement du deuxième jour, car il est bien rare que les miracles se succèdent quand bien même les ingrédients seraient-ils tous d’une aussi grande valeur.

Je n’ai pour ma part, personne à incriminer en particulier pour stigmatiser cet échec, car il est fatalement inclus dans un tel plan, que le groupe, s’il parvient à fédérer ses ardeurs, est en mesure de retourner toutes les situations dans le sens d’un sauvetage potentiel. Encore eut-il fallu qu’il le ressente et que certains de ses membres décident d’opter pour la vitalité plutôt que de glisser vers le versant morbide. Quand à moi, les deux pôles m’intéressaient pour la démonstration que je désirais en faire, même si j’aurais eu à coup sûr, plus de jouissance à regarder à nouveau fleurir une débauche d’écoute mutuelle et se dérouler sous mes yeux un concours d’intime concentration de peaux et de neurones.

Ce ne fut pas pour autant dénué d’intérêt et quelques moments tout à fait appréciables selon moi et constituant le pendant obligatoire de la thématique abordée, furent finalement atteints. Une fois que la dernière bouée de sauvetage fut lâchée et que le plateau se retrouva semblable à un de ces terrifiant désert où l’on n’ose s’aventurer, une infinie tristesse se mit à planer comme un drame suspendu au dessus de la salle et des corps affaissés. Je laissais la musique poursuivre et souligner encore d’avantage les contours de ces rives désormais privées de relief. Je ne sais où se situaient les regards encore présents derrière moi dans la pénombre du gradin, mais fermant un instant les yeux, je me dis qu’il y avais de quoi bander d’un tel naufrage, tant l’homme apparaissait ici, tel qu’il pouvait être, méritant autant sa destruction que sa venue au monde. En cet instant, la mort présentement incarnée me parut aussi belle que la mariée de la veille.

Il était temps que Sade, incompris précédemment, ignoré par le groupe comme il le fut sans doute de son vivant, intervint à nouveau pour éclairer de sa lueur sinistre et cruellement lucide, l’espace environnant que nous nous étions octroyé.

Tout avait commencé par un flambeau de résistances et de superficialité conquérantes que j’avais ressenti d’emblée. Loin du propos soulevé, quelques membres tapageurs avaient illusoirement tenté de le tordre du côté de l’euphorie insouciante et infantile, sous la protection de laquelle plaisir aurait dû rimer avec loisir. Malheureusement la légèreté n’étant pas dans mes gènes, c’était sans compter sur l’attachement viscéral que je pouvais avoir à mes croyances, traduites ici en terme de dérive et d’outrance autour d’Eros et incompatibles avec la simple excitation d’un amusement charnel.

Après quelques temps d’un bisounourssage love love que sans méchanceté, je ne situe pas dans mes cordes, j’attendais que le poids lourd de l’introspection sensibilise les esprits et fassent frémir la chair. Le « tout est permis », s’il était bien assumé, devait satisfaire des tenants du désir forcené. Il y en eut quelques uns qui au fil des heures firent naître quelques pépites tout aussi rutilantes que la veille tant en terme de textes que d’actes puissants ou de postures. Une très belle union entre un homme et une femme allongés au sol, accapara quelques temps le plateau d’une fort belle manière. Quelques esprits plein d’éveil au milieu d’observateur.trices las ou circonspects, surent à plusieurs reprises, métamorphoser l’ambiance par leur intelligence de la situation et leur instinct. Comme je l’ai dit, il n’entrait pas dans mon propos de diriger le jeu. Ce qui était devait être, en l’état, car c’est en tant que un miroir des hommes que se révèle pour moi le sujet d’une performance et il appartient à chacun.e, tout comme dans la vie, d’user de sa liberté pour influer le cours des choses.

Quels meilleurs acteur.trices que des libertins proclamés auraient pu en décider dans un contexte tout entier dévolu à leurs fantaisies ?

Je ne tire de leçon de ces deux expériences que la persuasion renouvelée du pouvoir de l’exhibition comme affirmation de soi pour peu que l’on souhaite la mettre en œuvre. Loin des acteurs poussifs du théâtre en matière de corps, les amateur.trices de sexualité libre ont en main le potentiel d’un spectacle fort et puissant.

Il leur appartient à mon sens d’en avoir une conscience affûtée pour échapper à une mièvrerie parfois présente dans laquelle ils ne prétendent a priori pourtant pas être et forcer la convention insipide des sociétés laïques, tout autant que l’obscur refoulement des pulsions par le religieux, à se mirer dans le portrait dressé et attractif d’une humanité consciente, pleine de charme, d’inventivité et d’esprit d’aventure.

Il y a en nous toutes et tous, à chaque génération à mon sens, le ferment d’une révolution par le sexe, maintes fois réprimée, plusieurs fois avortée, banalement détournée, mais encore possiblement éclairante pour, comme nous l’évoquions plus tard en d’autres termes avec certain.es des membres, qu’une tendresse des cerveaux les uns pour les autres, annihile les frustrations abjectes et leurs conséquences sordides et élève le niveau de conscience de tout un pan de notre humanité. C’est ce qui, certainement pour ma part, me semble le plus souhaitable encore aujourd’hui, mais qui requiert autant d’exigence dans la jouissance que de lucidité dans les idées pour vaincre le modèle coercitif du couple et des familles où l’amour n’est dans bien des cas, qu’un symbole simpliste et blanc sur un fanion de tissus rose.

Urgence, oui.  De jouir de l’entre-soi ou d’amplifier les libertés ? À chacun son choix, si nous l’avons toujours.

David Noir

David Noir, performeur, acteur, auteur, metteur en scène, chanteur, plasticien, vidéaste, bricoleur sonore, enseignant... trimbale sa nudité polymorphe et son enfance costumée sous le regard et aux oreilles de qui veut voir et entendre.

Cet article a 7 commentaires

  1. lemaire

    Non, mon Cher David, l’amour ce n’est pas un symbole, l’amour c’est le corps qui parle, peut-être même le corps des larmes et tout ce qui résiste aux larmes….

    1. David Noir

      Certains/es semblent pourtant avoir plaisir à le réduire à une simple équation parentale sous la forme d’un petit blason brandi avec force cris comme on l’a vu ces temps derniers. Ce à quoi je faisais référence.

  2. Pardine

    Amour, sexualité, emprise – toutes choses liées mais non identiques. Aucune qui approche le carcan de la Famille, plus lourd que tout quand elle est proclamée « heureuse ». Famille : anéantissement de soi, atome de la foule, ferment des névroses. Certes une fois que le « choix » de se reproduire est fait, qu’on a laissé s’exprimer le ventre primitif, il y a l’amour de l’Enfant – mais on sait, déjà, trop souvent, qu’on fera une bonne part de son malheur. N’empêche, c’est bien de l’amour, et pas inéluctablement de la Famille.
    David, tu rêverais d’une Révolution que chaque individu porterait en lui, différente même infimement de celle du voisin. Une révolution sans foule, sans bras tendus ou levés. Que chaque corps se libère dans son autonomie.
    Ce que tu reproches à Erosphère, ne serait-ce pas cette communauté infantile qui, pensant libérer les corps, ne crée qu’un fugace ghetto au sein duquel une norme, pour ne pas être celle de l’Extérieur, n’en est pas moins normative ?
    Quand j’étais enfant j’adorais cette blague : « Deux fous, tenant de leurs mains les barreaux de la grille de l’HP ; l’un dit à l’autre « Tu crois qu’ils sont nombreux là-dedans ? » » Ces deux fous ont raison !
    Tu te rebiffes devant cet Eros marchandé, avili parce que, comme les macarons il y a 3 ans, les speculos l’année dernière, tu sens trop fort le mot atroce : MODE. Pourtant, c’est toujours mieux que la Manif pour tous, et, surtout, derrière il est vrai un Bisounourrissage qui n’est pas sans rappeler le niais sourire figé du FlowerPower, regarde-les ces Erosticrates, comme Marie ou Senzo : plus que des jouisseurs, on perçoit en eux une sincérité profonde, et l’idée, si utopique ou étique (sans h) qu’elle soit, que la Révolution des Culs est possible. L’idée, au fond, on s’en tape ! Mais cette ferveur sans dieu(x), cette conviction apolitique, et bien, tu en penses ce que tu veux, j’y vois de la Beauté. Fugace, inutile, me diras-tu peut-être ? Ben justement, c’est quoi la Beauté sinon cela même ?

    1. David Noir

      Je n’ai pas fait autre chose dans ces lignes que de rapporter cette beauté fugace quand je l’ai effectivement parfois vu passer. Mais comme tu me l’as dit, ce n’est sans doute pas là ma maison. Je ne n’ai d’ailleurs pas abordé cet espace-temps comme tel, sachant depuis longtemps que de maison, je n’ai que celle que je transporte sur mon dos. Non, j’ai simplement bivouaqué dans une intrigante région comme on m’invitait à le faire, pour y déposer quelques heures mon barda et proposer à ses habitants mes menues expériences de « pâte à physique » sorties de mon baluchon de bateleur en quête de curieux et de curiosités. J’y ai beaucoup apprécié les rencontres que j’ai pu y faire, échange d’estime et d’intérêt, tant pour l’étrange Dr Senzo que pour Marie l’Amazone et quelques autres créatures fantastiques que tu connais, à la perfection pour certaines. Je n’ai rien à reprocher aux lois de ces contrées, dans lesquelles je peux retrouver l’ambition de mes propres coutumes et ce n’est pas la mode, pour désagréable qu’elle soit et qui n’est qu’une notion passagère, qui pourrait suffire à ce que je me méfie des valeurs de l’objet vanté. Non, ce que je dis en substance et ce sur quoi apparemment, nous divergeons, c’est que l’esprit de la chose est au moins aussi importante que la chose elle-même. Pour moi, le sujet mériterait de la véhémence là où il n’y a que de la convivialité. Peut-être trop attaché à l’Antique, mais c’était là mon thème, la beauté de l’humain réside dans le tragique, qu’il soit grandiose ou minimaliste, pétri de chair ou froidement conceptuel, ridiculement comique ou sinistre à pleurer et c’est vers lui que vont mes goûts. C’est un tue-l’érotisme, à mes sens, que de vouloir le camoufler ou le nier. Rien de plus Miss Pardine et rien de grave non plus.

  3. Pardine

    Réponse somptueuse, tu y évoques l’Antique et la mythologie-même de ce qu’On nous enseigne des origines du Théâtre occidental. La dimension à la fois orgiaque et sacrificielle, sublime et grotesque, je l’ai ressentie dans ton Outrance du désir et dans la visio-perf de Senzo Matox. 2 dispositifs pourtant opposés et je te remercie de m’offrir involontairement ce rapprochement qui me donne à penser.

    1. David Noir

      Merci à toi, car j’apprécie à équivalence le frottement des idées et des corps et quelque fois, le premier bien d’avantage par la durée de l’excitation qu’il procure. Pour le petit blanc rêveur et ignare du terrain que je suis, peut-être plus encore que le spectacle virtuel que nous offre l’onirique imaginaire d’un antique pasolinien, l’Afrique est la merveilleuse terre dont nous rêvons quand nous pensons origines authentiques et berceau, si souvent tristement ensanglantée, endeuillée. C’est une grande peine que le monde ne semble pas se préoccuper de la préserver ne serait-ce qu’en cela ; en revendiquer le lit magnifique et commun à notre espèce. Mais la vallée de « l’homo » n’a pas encore été découverte pour qu’il y ait affection et accueil de l’Homme (particulièrement du mâle guerroyeur) pour lui-même. Je ne connais ce continent que par une micro fibre de son tissus : les bêtes encore sauvages, assimilées par cœur depuis l’iconographie de mon enfance et l’occasion récente d’un safari Tanzanien qui, quoique pure démarche touristique, m’a permis de sentir et palper des journées entières, la teneur incroyablement pathétique et violente de la nature, sur fond de calme absolu. Je n’y ai observé que des non événements fabuleux (menace, combats, courses, morts, errance, sexualité, attente …) rendus tels par le poids permanent et implacable comme le soleil, de l’ordinaire danger de vivre. Vie et mort y sont suspendus à égalité en des temps tous similaires. Pas de place pour le maniérisme, les politesses ou le tralala. Un seul mouvement factice, forcé ou insincère et c’est l’erreur non pardonnée, la mauvaise blague de la tragédie du jour. On ne peut imaginer plus longue et plus superbe performance, bien à l’abri dan son 4×4 de spectateur. Avignon et les autres peuvent bien aller se rhabiller.
      Des hommes, je n’ai entrevu que la belle silhouette rouge très lointaine des Massaïs, seuls admis à vivre dans les réserves nationales ; et leur misère, très proche, au croisement de deux enfants borgnes, attendant dans la savane les restes d’une lunch box de passage tendue par un visiteur semblable à moi et quelques dizaines d’autres, qui prendraient sûrement cette route au cours de la journée.
      Pour l’Antique, apte à nous fournir un imaginaire aussi rude que subtil, je crois qu’il était explicitement invoqué dans mon programme, mais je crois aussi que les mots ne sont plus tant pris au sérieux que les images. J’aurais aimé en effet savoir de quoi retournait la viso-perf de SenzO, mais me sentais incapable d’être à la fois participant et initiateur. Ce sera pour une autre fois, peut-être.

      1. Argantael

        L’échec est à mon sens lié au non équilibre des sexes das les performances en question. Un numerus clausus avec a minima autant de femmes que d’hommes (à mon sens à faire pour le prochain) eut pu permettre des interactions plus nombreuses. Présent le second jour, je suis vite parti compte tenu du déséquilibre gênant de la salle. C’est bien connu, qd il y a de la gêne, y’a pas de plaisir…

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